Dinah Windfield - Visiteuse d'Outre Atlantique

Nom : Windfield
Prénom : Dinah
Âge : 23 ans
Condition Sociale : Haute Société américaine.

Description :

Pour tous ceux qui ont eu le privilège d'assister au bal donné le 4 juillet dans la propriété philadelphienne des Windfield, la présence de Dinah reste un souvenir contrasté, entre l'admiration et l'agacement.

Admiration, parce que, incontestablement, Dinah est une belle jeune fille.
Son visage forme un ovale parfait dans lequel brillent deux yeux sombres. Sa bouche mobile est d'un incarnat charmant. Ses formes généreuses sont toujours mises en valeurs par des toilettes sophistiquées, pleines de falbalas, sachant souligner sa taille de guêpe. On devine en voyant une bottine menue s'échappée d'une volée de froufrou qu'elle a le pied aussi menu que ses mains sont fines et petites.
Plus encore que ces détails particuliers qui demande un examen attentif, c'est sa démarche élégante, ses manières exquises, la grâce qu'elle met à papillonner de groupe en groupe que l'on retient.
Toujours souriante, elle est plus que l'image de l'optimisme américain, elle est l'expression du bonheur radieux. Et lorsqu'elle se met à danser, on prend alors conscience du fait que Dinah fait partie de cette race de personnes solaires qui sont faites pour être adorée de loin, de ces déesses admirables, aimable qui se penche vers vous avec bienveillance mais dont on ne peut jamais atteindre les hautes sphères.

Malheureusement (c'est du moins ce que pense beaucoup de monde…) Dinah ne se contente pas de tournoyer dans le soleil couchant au bras d'un merveilleux jeune homme, c'est-à-dire d'être ce que toute femme bien éduquée devrait être : un joli objet à regarder.
Certains indices auraient pourtant dû avertir un observateur attentionné : sa façon de marcher avec détermination parfois, son regard qui ne portait aucune trace de doute, ce petit geste de la main négligeant qu'elle faisait pour chasser une idée qui ne lui importait pas…
La jeune Miss Windfield n'était pas de ces personnes qui se laissent diriger sans piper mot : elle parle et exprime sa pensée.

Second fait malencontreux, ce qu'elle dit et les pensées qu'elle fait partager ne sont non seulement pas du goût de tout le monde, mais également pas constamment pertinents. De plus, c'est rarement au moment adéquat qu'elle prend la parole…

C'est que Dinah (et c'est peut-être également ce qui lui donne cet air si majestueux) ne semble vivre que pour elle-même.
Dans le monde doré et heureux dont elle est la maîtresse, il ne lui viendrait pas à l'idée de consulter d'abord les personnes qui l'entourent. Elle a donc cette manie de s'adresser à n'importe qui, y comprit ceux qui très visiblement n'ont pas le désir de lui parler. On sera un peu rassuré de penser que cela lui arrive principalement lorsqu'elle s'ennuie, beaucoup moins lorsqu'on aura appris que d'une nature terriblement entreprenante, elle s'ennuie très souvent…
Elle est alors capable de déranger n'importe qui (y comprit le médecin au travail, l'étudiant à son étude, le jardinier plongé sur une greffe délicate…) pour parler de ce qui l'intéresse, elle.

Dinah ne sait parler d'autre chose que de ce qui lui plait. Et ce qui lui plait ne plait généralement pas aux autres.
D'autant plus que depuis plusieurs années déjà, son cheval de bataille (sa lubie disent ses connaissances) est le droit de vote des femmes. Suffragette convaincue, elle s'occupe d'une propagande active pour l'égalité entre les hommes et les femmes, et n'hésite pas à s'en entretenir avec de presque inconnus.

Si encore il n'y avait que cette étrange absurdité d'opinion, on se contenterait peut-être de la regarder avec une indulgence parfois ennuyée.
Mais Dinah ne s'arrête pas là. Elle a le don d'irriter en mettant en relief le petit grain de sable qui empêche la perfection du mouvement. De la tâche sur l'habit à la tâche morale, elle donne une opinion franche, parfaitement non conventionnelle et (osons le dire) incorrecte pour une jeune fille de bonne famille, avec une candeur telle qu'on ne sait plus ce qui est naturel et ce qui est calculé.

Et le pire de tout, est que, ce qui pourrait lui être reprocher ouvertement (et vertement) comme un manque de tact absolu, est dit avec tant de charme, avec une voix si douce, un battement de paupière si délicieux, que le courage manque.

Il en va pour Dinah comme pour ces grands papillons multicolores que l'on voit dans les livres rapportés par les explorateurs : ils vous agacent à venir voleter trop près de votre visage. Mais qui voudrait leur faire du mal ? Ils sont si beaux et si inoffensifs…