Lyria Kerrigan - blême forme traversant le pont

Visiteuse Nombre de messages : 37 Date d'inscription : 15/11/2006

Des pas vers l'inconnu sur l'échafaudage de bois. A chaque instant Lyria s'éloignait un peu plus de la lugubre réalité de Glasgow pour se plonger dans cet univers si mystique que peut être la nature.

Les pieds nus, salis par la boue, s'aventuraient sur le pont, faisant par moments craqueler la construction usée par le temps. Le ciel ne se voyait plus, à présent... l'air se raréfiait, tout était plus dense, presque étouffant.

Que ce pont lui semblait long et infini... et aucune lumière blanche à la sortie. Juste la noirceur déroutante de la nuit. C'était comme avant... comme quand elle avait fui la lourdeur cauchemardesque de la prison noire. Son premier pas à l'air pur, sa libération... Mais pas de tendre soleil pour caresser son visage, juste la pluie...
Combien de souvenirs naissaient en elle, combien de jours que la pluie avait marqués. Combien de fois avait-elle surgi comme un fantôme cruel d'un rideau d'orage?

Pourquoi ralentissait-elle le pas? Elle voulait sortir de ce pont, finalement. Elle voulait s'en échapper.

Or...

Or l'envie était passée.

L'écho d'un pas lourd sous la structure.
Et une lueur vive qui projetait sur le sol une ombre immense.
Ombre en mouvement qui se rapprochait lentement.

Et l'impression malgré la nuit fraiche, d'une intense chaleur, un feu brûlant en marche.

Réconfortant ou effrayant, il était trop tôt pour le dire, toujours est-il qu'il repoussait la nuit aux limites du pont.

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Lyria s'arrêta. Des bruits de pas se repercutaient dans son cerveau. Des pas lourds... étaient-ce l'écho des siens? Et puis il lui semblait apercevoir une ombre s'étendre devant elle... mais la nuit rendait tout un peu plus flou.
La lourdeur de l'air la suggestionnait probablement. Elle les avait sûrement imaginés.

Ce n'étaient pas ces bruits indéfinissables qui allaient l'impressioner.

Rien ne pouvait la terrifier. Elle ne croyait ni aux esprits, ni aux idiotes superstitions écossaises.

Ses propres pas avaient tellement ralenti qu'elle s'était donc arrêtée. Le désir de sortir de ce pont s'était évanoui, comme un rêve lointain. Elle se sentait bien maintenant. Elle n'avait même plus froid... une agréable chaleur commençait à s'emparer du pont.
Une chaleur toujours plus forte, semblable à celle d'un feu qui crépite allegrément dans une cheminée.

La chaleur... chaleur du foyer. Une grimace se dessinait sur le visage hagard de la jeune femme. Voilà quelque chose qu'elle n'avait jamais eue...

Pour cela elle se sentait toujours mieux sous le pont, au chaud. L'idée de retourner au froid, vers le manoir glacial, la répugnait.

Aucune terreur face à ce phénomène inexplicable de chaleur. Elle oubliait tout, laissant ses pensées s'échapper au loin. La prison n'était plus qu'un souvenir irréel très lointain, étoffé, jeté aux orties.

Désormais tout ceci était révolu. Une nouvelle vie l'attendait.

Cependant qu'elle ralentissait puis s'arrêtait la lumière enfla et sa source se précisa.
Tandis qu'apparaissait la flamme d'une torche tenue bien haut, une voix tonna et roula sous la structure qui en amplifiait encore l'echo.

"Qui est-elle celle-ci qui pense trouver chez moi un asile de nuit ! Court-il sur la lande l'idée que la demeure est ouverte à qui se présente ?!"

Le feu crépitant de la torche se déplaca sur la gauche, contournant la jeune femme de plusieurs pas, trop loin pour qu'elle puisse voir à qui appartenait la voix de tonnerre, son propriétaire étant noyé dans l'ombre dense, trop loin également pour la largeur supposée du pont.

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La source de lumière se dévoila finalement. Lyria était presque déçue... cette chaleur si peu naturelle la charmait, et maintenant, cette torche dénuée de poésie faisait basculer tout.

Et cette voix si désagréable... semblable au roulement du tonnerre, violente. On parlait d'asile... si seulement elle savait.
Ce n'était sûrement pas ce genre de mots et cette personne antipathique qui allaient l'influencer.
Et en plus, elle voulait aller au manoir.

Elle ne voyait pas la personne derrière la torche et cela la dérangeait fortement. Elle voulait observer, non pas être observée. Elle voulait traquer, et non être détaillée comme un vulgaire animal.

"Qui êtes-vous, vous qui me dictez ces lois? Les lois sont faites pour être enfreintes, ne me faites pas regretter de m'être trouvée ici en ce moment."

Et puis, encore plus fort, elle criait désormais:

"ET DEVOILEZ VOTRE VISAGE, AVEZ-VOUS DONC PEUR DE LA NUIT ET DE SES CREATURES POUR VOUS ABRITER DANS LA LUEUR RASSURANTE DE LA TORCHE ET RESTER SI LOIN DE MOI?"

Il fallait toujours énoncer les vérités aux gens, pensa Lyria.

Un rire énorme, comme trop longtemps retenu, mélange de tonnerre et de grondement de fleuve en furie, répondit à l'apostrophe, répercuté par la structure de l'ouvrage qui frémit sous l'effet de la vibration.

Puis lentement le pas lourd se rapprocha, le porteur de la torche que la flamme ne révélait pas, passa devant la jeune femme et traversant le pont sur toute sa largeur s'éloigna sur la droite, faisant fi de toute logique comme il l'avait fait précédemment en ignorant les limites des parois de bois, emportant avec lui toute sensation de chaleur.

La lueur de la torche fut encore visible un moment puis disparut ainsi qu'elle était apparue, laissant Lyria seule dans le froid et l'humidité revenus.

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Le froid revint, brusquement. Un rire d'une hystérie et d'une anormalité incroyable résonnait encore dans les airs, qui faisaient voler l'écho de ce bruit puissant et inquiétant à la fois. Elle était maintenant convaincue que la créature mystérieuse était un homme...

Sous ses pieds, le pont vibrait encore, comme si les inflexions gutturales de la mystérieuse personne lui eussent donné une vie propre.

Et puis, soudain, le néant... le froid, l'obscurité, l'humidité de ce pont...

Etrange nuit que celle-là. Tout était si paisible... trop paisible.
Elle repensa à cette étrange rencontre. Etrange était le mot. Elle qui ne croyait pas au surnaturel, elle se demandait qu'est-ce qui faisait que, malgré la lumière intense que dégageait la torche, le visage n'était pas visible. Et puis ce rire tonitruant, animalesque... tout ceci était bizarre, très bizarre. Et encore... il semblait à la fois hors du pont et dedans... Et la voix... les mots?
Elle eut l'envie de le poursuivre. Elle fit quelques pas, hésitante. Mais une force inconnue ne semblait pas vouloir lui faire quitter le pont...
Et puis elle était si fatiguée... les paroles de l'homme résonnaient dans sa tête comme une berceuse, biscornues, reinventées.

Et ses yeux qui luttaient contre le profond sommeil qui l'envahissait. Elle essaya vaguement de résister, pensant un dernier instant à la poursuite, à ces événements mystérieux, au cocher qui l'attendait, au manoir qu'elle voulait atteindre, au lieu dans lequel elle s'endormait....

Mais rien n'était de taille à combattre l'attaque de Morphée. Ses paupières se fermèrent. Elle repoussa ces soucis au lendemain. Elle se demanda, dans un dernier élan de vie, s'il était dangereux de rester par là...
Les paupières se fermèrent pour de bon. Elle s'endormit... elle n'était plus qu'une blême forme blanche qui glissait vers l'humide et sale parterre du pont.

[Le Hall]

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