Irvine Anderson - La traversée volontaire

Irvine arriva sous le pont couvert. Il regarda le pont de dessous son chapeau et put en apprecier la construction. Il posa sa valise et sa malette et regarda en arrière. Il entraperçut le village et un tout petit sourire - voir un rictus - anima son visage. Encore une fois, il quittait un paisible vilage pour un endroit plus étrange et plus lugubre. Son visage redevint de marbre, sa détermination était au plus haut. Il n'avait pas le droit d'échouer.
Irvine récupéra ses affaires et commença sa traversée du pont pendant que toutes les rumeurs sur la demeure lui revenaient en tête. Peut être allait il avoir du travail, peut être pas mais en tout cas il était motivé comme jamais.

*Amen* pensa t il intèrieurement tandis que ses pas le guidaient en direction de la demeure.

Irvine avançait sur le pont son visage pale éclairé par la lumière verdatre. Son esprit enregistrait méthodiquement tout ce qui se déroulait autour de lui : le doux pépiement des oiseaux, l'odeur des fleurs. Il enregistrait ses sensations comme des données et tandis qu'il egrenait de sa main libre un chapelet, il pensait pour lui même :

* Que ma foi me protège du malin, que Sa lumière guide mes pas et me permette de distinguer le vrai du faux, que mon coeur reste pur et mes intentions justes, amen*

Son regard dur fixé sur sa destination, il avançait toujours au même rythme, ni trop hatif ni trop lent. Au fur et à mesure de son avancée alors que les pousses l'effleuraient doucement, Irvine se contentait juste d'écarter un peu la tête. On aurait dit un simple viel homme pour qui la nature aurait déjà montré tous ses charmes et qui se rendrait simplement d'un point A à un point B. Mais au fond de lui c'était different :

* Une vie austère et simple permet à l'esprit de rester fort et ferme. Les choses de la vie ne font qu'affaiblir le juste.*


Imperturbable, il continuait son chemin insensible au charme du paysage qui l'entourait.

Suivant la progression de l'homme sur le pont, la glycine prenait de l'ampleur, déployant sans cesse de nouvelles tiges volubiles.
Le parfum des grappes fleuries se faisaient entétant, à la limite du supportable.

Une odeur pourtant commençait à prendre le pas sur le parfum des fleurs, une puanteur douceâtre et écoeurante.
Si l'homme s'était retourné à ce moment là pour regarder derrière lui, il aurait vu les plantes se racornir, se flétrir pour finir par pourrir et se liquéfier, laissant sur la structure d'immondes trâces de décomposition.

Irvine franchissait les derniers mêtres qui le séparaient de l'autre berge, totalement inconscient de se qui se déroulait derrière lui. Le soleil se couchait doucement baignant la scène d'une lumière chaude et orange, contrastant avec les tons verts venant du pont. Le prêtre fit une courte halte à la sortie du pont puis reprit sa route vers la demeure tandis que la nuit recouvrait de son voile délicat le paysage alentour.
De son oeil inquisiteur, Irvine observa les alentours et remarqua le chemin qui menait à l'église. La vue de cet édifice le rassura.
Finalement, il arriva au limite du domaine de la résidence et s'y engagea d'un pas décidé.

[La Grande Allée]